Caponata, par Christine Bourrelly

Souvenir de Sicile.

Au premier regard, rien de très excitant. Une combinaison de couleurs dans l’assiette en somme assez classique, très méditerranéenne. Du rouge sombre, du vert, un peu de noir. Des légumes coupés en cubes.

Vous reconnaissez l’aubergine, la tomate, les olives aussi. Vous devinez l’oignon. Pas de courgette. Un genre de ratatouille tout de même. Votre langue accueille, curieuse, mais un brin blasée, un premier morceau d’aubergine. Vos papilles endormies, délicieusement chatouillées, se réveillent intriguées. Et déjà presque séduites. Un goût réconfortant, et nouveau. Car, derrière l’aubergine fondante, la tomate légèrement sucrée révèle des saveurs inédites. Vous cherchez, vous cherchez, mais vous ne les identifiez pas. Vous avancez dans l’inconnu. Votre molaire rencontre quelque chose de plus solide. Un obstacle que, mécaniquement, elle écrase, sans être préparée à la contre-attaque. La pression libère un jus. Et bang ! Comme une explosion. C’est une câpre. Les saveurs fusent, se mélangent, formant des combinaisons étonnantes. Maintenant un pignon. Instant croquant et moelleux. Doux et acide. Votre cerveau et votre peau communient dans une onde de douceur électrisée. Vous prenez quelques secondes pour comprendre ce qui vous arrive.

Chaque bouchée vous proposera par la suite un parcours unique et enthousiasmant. De cette expérience sicilienne renversante, vous retiendrez le nom. Caponata. Vous apprendrez plus tard que le vinaigre balsamique, l’huile d’olive, l’ail, le céleri, le sucre, le basilic et l’origan ont contribué également, acteurs sublimés, à ce festival des sens.

Pendant quelques instants, vous restez silencieux. Vous souhaitez revivre cette révélation et vous tenez absolument à la faire connaître à d’autres. Vous demandez à rencontrer l’auteur de ce plat renversant. Le serveur, Nino, s’amuse et ne semble pas étonné. Il vous accompagne à la cuisine à l’arrière du restaurant. Vous faites la connaissance, intimidé, de Nonna Marta. La vieille femme ne parle qu’italien. « C’est ma grand-mère, la nonna », vous explique Nino, rieur. Il vous tend la carte du restaurant sur lequel une phrase a été traduite en plusieurs langues : « Pour réaliser la meilleure caponata du monde, restez quelques jours à Syracuse, apprenez l’italien, et venez cuisiner aux côtés de Nonna Marta ».

Les jours suivants, vous êtes venu avant l’ouverture du restaurant, et vous avez passé quelques heures en cuisine. C’est le meilleur conseil culinaire et linguistique que l’on vous ait jamais donné. Votre italien s’affirme aux côtés de vos nouveaux amis. Pour autant, vous n’êtes pas sûr d’avoir envie de préparer la caponata sans Nonna Marta, loin de sa langue chantante et de ses légumes magnifiques. Car, maintenant, vous savez que vous reviendrez. Seul, avec votre famille ou avec vos amis, vous reviendrez à Syracuse. Chez Nonna e Nino, vous dégusterez à nouveau ce plat divin.

4 commentaires
  • Nicole Delefortrie
    Posté le 07:53h, 09 septembre Répondre

    Un vrai régal !

    • Christine Bourrelly
      Posté le 13:20h, 09 septembre Répondre

      Merci, Nicole ! C’est vraiment délicieux !

  • Eglo
    Posté le 11:46h, 09 septembre Répondre

    Miammmmm, je salive ! J’adore ce plat quand ma marraine le prépare !!!!
    Et là j’en ai vécu une lecture délicieuse…..

    • Christine Bourrelly
      Posté le 13:19h, 09 septembre Répondre

      Merci, Eglo, on pourra essayer d’en faire une !

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