Des souris et des hommes, par John Steinbeck

Roman écrit en 1937 par John Steinbeck, prix Nobel de littérature, dont voici un extrait du chapitre I, traduction de Maurice-Edgar Coindreau – 1995 – Folio Plus

« Allons, George, raconte moi. Je t’en prie, George. Comme t’as fait d’autres fois.
— Ça te plait donc bien ? C’est bon, j’vais te raconter, et puis après, on dînera.
La voix de George se fit plus grave. Il répétait ses mots sur un certain rythme, comme s’il avait déjà dit cela plusieurs fois.
— Les types comme nous, qui travaillent dans les ranches, y a pas plus seul au monde. Ils ont pas de famille. Ils ont pas de chez soi. Ils vont dans un ranch, ils y font un peu d’argent, et puis ils vont en ville, et ils le dépensent tout… et pas plus tôt fini, les v’là à s’échiner dans un autre ranch. Ils n’ont pas de futur devant eux.
Lennie était ravi.
— C’est ça… C’est ça. Maintenant, raconte comment c’est pour nous.
George continua :
— Pour nous, c’est pas comme ça. Nous, on a un futur. On a quelqu’un à qui parler, qui s’intéresse à nous. On a pas besoin de s’asseoir à un bar pour dépenser son pèze, parce qu’on n’a pas d’autre endroit où aller. Si les autres types vont en prison, ils peuvent bien y crever, tout le monde s’en fout. Mais pas nous.
Lennie intervint :
— Mais pas nous ! Et pourquoi ? Parce que… parce que moi, j’ai toi pour t’occuper de moi, et toi, t’as moi pour m’occuper de toi, et c’est pour ça !
Il éclata d’un rire heureux.
— Continue maintenant, George !”
— Tu l’sais par coeur. Tu peux le faire toi-même.
— Non, toi. Y a toujours des choses que j’oublie. Dis-moi comment ça sera.
— Ben voilà. Un jour, on réunira tout not’ pèze, et on aura une petite maison et un ou deux hectares et une vache et des cochons et…
— On vivra comme des rentiers, hurla Lennie. Et on aura des lapins. Continue George. Dis-moi ce qu’on aura dans le jardin, et les lapins dans les cages, et la pluie en hiver, et le poêle, et la crème sur le lait qui sera si épaisse qu’on pourra à peine la couper. Raconte-moi tout ça, George. »
 

Le mot de Scrib’ :

L’histoire de George et Lennie, les deux protagonistes de cet ouvrage, travailleurs agricoles pendant la Grande Dépression américaine, est si forte qu’elle m’a marquée pour la vie. Un roman puissant et bouleversant, qui raconte, avec des mots simples, la force de l’amitié, la fatalité, le besoin d’amour et celui de rêver.
1 commentaire
  • Frederique
    Posté le 02:59h, 16 juin Répondre

    À relire car j’ai le souvenir d’un livre long. Merci pour cet extrait.

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