Journal d’un corps, de Daniel Pennac

Extraits de Journal d’un corps, de Daniel Pennac, paru en 2012  aux Éditions Gallimard – Folio.

 

32 ans, 6 mois, 9 jours                                                                Jeudi 19 avril 1956

Tijo me fait observer que quand j’éternue je dis ATCHOUM, littéralement. Il y voit un souci d’orthodoxie. Toi et tes bonnes manières ! Tu es si bien élévé que si ton cul pouvait parler, il dirait « prout ».

[…]

59 ans, 1 mois, 8 jours                                                           Jeudi 18 novembre 1982

Morphologie de l’embauche. Je viens d’engager un rédacteur au curriculum troué comme un manteau d’aventurier. Mais son oeil malin, sous une arcade néandertalienne, m’a inspiré confiance. Bréval (féru de psychomorphologie) lui préférait un beau gars élancé, au crâne harmonieux, bardé de diplômes et chaleureusement recommandé par le ministre en personne. Mais, dès ses premiers mots, j’ai su que le beau gosse tombait – avec une molle fatuité – de la dernière pluie. Entre un squelette flambant neuf et une ossature qui a survécu au paléolithique, je n’ai pas hésité une seconde.

 

59 ans, 1 mois, 14 jours                                                         Mercredi 24 novembre 1982

De l’agrément de se gratter. Pas seulement pour cette montée orgasmique qui s’achève dans l’apothéose du soulagement mais pour le délice, surtout, de trouver au millimètre près le point exact de la démangeaison. Cela aussi c’est « se bien connaître ». Très difficile de désigner à l’autre l’endroit précis où vous gratter. Dans ce domaine, l’autre déçoit toujours. Comme souvent, il est légèrement à côté du sujet.

Le mot de Scrib’ :

C’est un journal très spécial que tient ce narrateur, de ses 12 à 87 ans. Il met à nu son corps et nous en raconte tous les détails. Ses considérations nous permettent de découvrir sa vie au travers de la relation intime qe’il entretient avec ce corps, qui change, vieillit, et souvent le surprend. J’aime particulièrement le talent d’observateur de Pennac et sa capacité à créer du rythme pour qu’on ne se lasse pas. L’ensemble est tendre, drôle, émouvant et chacun peut se reconnaître dans ce texte. Ce journal se lit comme un roman, mais le glossaire final permet aussi de le parcourir avec des entrées par mots-clés tels que des parties de corps (nez, testicule,…),  des phénomènes physiques (diarrhée, pets, densité corporelle,… ), des événements (dépucelage, lapidation à coups de figues,…) ou des ressentis (odeur de notre âme, des aisselles, des autres,…). Il est truffé de perles. J’en ris encore.

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