02 Oct La vengeance du wombat, par Kenneth Cook
Extraits de La vengeance du wombat et autres histoires de bush, de Kenneth Cook, nouvelle qui a donné son nom au recueil paru en 1987. Éd. Livre de poche 2010, traduit de l’australien par Mireille Vignole.
p18-19
« Fais-lui une piqûre dans l’arrière-train, m’avait dit Alan, et il tournera tout de suite de l’oeil. »
J’avais la seringue à la main et un postérieur de wombat s’offrait à moi toutes les deux secondes. Ça valait le coup d’essayer.
J’attendis quelques instants et, quand je fus sûr de mon timing, je me jetai subitement sur le wombat et lui plongeai l’aiguille en plein dans les fesses.
J’eus l’impression de faire une piqûre dans une planche d’eucalyptus de la variété « écorce de fer ».
L’aiguille se brisa. je trébuchai et m’affalai sur le wombat, qui se débarrassa de moi en s’ébrouant avec mépris, puis me retrouvai sur le dos sous un ciel constellé d’étoiles amusées, tandis que le combat mortel entre chien et wombat se poursuivait légèrement à l’ouest de mon oreille gauche.
Je me remis rapidement sur pied, pris mes distances et réévaluai la situation. La patte gauche de George serait bientôt sectionnée à l’articulation si je n’intervenais pas et ce misérable cabot était manifestement incapable de prendre la moindre initiative.
J’avais des aiguilles de rechange mais il était futile d’essayer d’injecter quoi que ce soit dans un postérieur de wombat. Je doutais fort qu’une chignole électrique ait pu lui percer le cuir. Mais je devais pouvoir cibler des parties plus tendres de son corps. Ne pourrais-je pas essayer de l’atteindre sous le cou ? Les hurlements pitoyables de George étaient devenus déchirants ; il fallait tenter quelque chose : n’importe quoi. Je fixai une nouvelle aiguille et préparai une dose tandis que George et le wombat continuaient leur numéro de derviches tourneurs. Puis je m’approchai et guettai l’occasion d’atteindre le dessous du cou du wombat. Elle ne se fit pas attendre et, avec une détermination et une résolution admirables, je me jetai sur le marsupial et enfonçai l’aiguille.
En plein dans l’épaule de George.
Qui tourna tout de suite de l’oeil.
Le wombat resta accroché à la patte de George quelques instants, puis il lâcha prise et promena un regard perplexe autour de lui. C’était sans doute la première fois qu’il estourbissait un chien en lui mordant la patte.
Puis il secoua la tête et se dirigea droit sur moi, un éclat meurtrier dans les yeux.
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